Pandémie – Etions-nous préparés ?

Le tableau no 1, ci-après, montre la place qu’occupe dans les analyses de risques des cantons romands et au niveau de la Confédération le risque de pandémie qui figure dans les 3 risques les plus importants pour la population. Le tableau indique également l’année de l’analyse et le nombre de thèmes (dangers) pris en compte :

Tableau 1 Comparaison entre cantons romands et Confédération des 3 risques les plus importants
(Le canton du Jura ne figure pas dans ce tableau, car l’analyse des risques est en cours d’élaboration)
ENTITE Confédération
OFPP
 
33 thèmes
Canton de Fribourg
 
17 thèmes
Canton de Vaud
 
31 thèmes
Canton du Valais
 
9 thèmes
Canton de Neuchâtel
 
26 thèmes
Canton de Genève Actualisation
31 thèmes
Canton du Valais
Actualisation
15 thèmes
Année 2015 2005 2008 2010 2014 2018 2019
Rang
1 Pénurie d’électricité Pandémie Pandémie Tremblement de terre Pandémie Blackout électrique Blackout électrique
2 Pandémie Pénurie d’électricité Pénurie d’électricité Crue du Rhône Pénurie d’électricité Pandémie Tremblement de terre
3 Tremblement de terre Violences sociales Tremblement de terre Pandémie Cyberattaque Terrorisme Pandémie

Dans chaque canton, le thème de la pandémie a été développé en étroite collaboration avec le service de la Santé Publique, en général avec le médecin cantonal ou l’un de ses adjoints. Le scénario retenu par tous les cantons pour la situation extraordinaire a été le même que celui de la Confédération à savoir une pandémie d’influenza. Le tableau no 2, ci-après, indique, par canton, l’interlocuteur cantonal qui a choisi le scénario, l’interlocuteur au niveau de l’Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP) qui a contrôlé la plausibilité des scénarii, ainsi que la probabilité d’occurrence de la pandémie (par exemple 500 ans signifiant un événement pouvant se produire 1 fois à l’intérieur de 500 ans). Le tableau indique également si le canton concerné dispose d’un plan pandémie.

Tableau 2 Caractéristiques de l’analyse du risque de pandémie et conséquence (plan pandémie)
(La Confédération dispose d’un plan pandémie, de même que le canton du Jura)
ENTITE Canton de Fribourg Canton de Vaud Canton du Valais Canton de Neuchâtel Canton de Genève Actualisation Canton du Valais
Actualisation
Année 2005 2008 2010 2014 2018 2019
Désignation
Interlocuteur cantonal Dr.  Georges Demierre Dr. Eric Masserey Mme Sarah Eyer Dr. Claude-François Robert Prof Jacques-André Romand M. Jean-Blaise Seppey
Interlocuteur OFSP Dr. Piere-Alain Raeber Dr. Piere-Alain Raeber Dr. Daniel Koch Dr. Daniel Koch M. Heinrich Lehmann Dr. Daniel Koch
Probabilité 500 ans 500 ans 500 ans 300 ans 300 ans 300 ans
Plan pandémie OUI OUI OUI OUI OUI OUI
 
La Confédération et les cantons se sont donc bien préparés à affronter une pandémie, du point de vue organisationnelle et de la conduite. Mais il est évident que ces plans ne règlent pas tous les détails, même si les questions de communication, de confinement ont été prises en compte dès le début. L’exercice organisé par la Confédération en 2014, intitulé ERNS 14, dont l’objectif était de tester le comportement en cas de crise des Offices fédéraux, des cantons et des principaux services concernés par une panne d’électricité et une pandémie de grippe, a montré qu’il y avait, même au niveau de la conduite des lacunes à corriger. Ces corrections ont été, à ma connaissance, mise en œuvre. Il n’en reste pas moins que les détails pratiques n’avaient pas tous faits l’objet d’une analyse détaillée. En quelque sorte, la Suisse était prête sur le plan de la conduite, mais pas pour les détails pratiques qui ont montré leur importance vitale depuis quelques semaines en Europe.
Dès lors, ce n’est pas une surprise de constater qu’au début de l’épidémie en Chine, il n’y ait pas eu de réactions alarmistes, l’idée étant que le nouveau virus, de type CoV, proche parent du SRAS-CoV qui a sévit en 2003 et du MERS-CoV qui a sévit en 2012, sans jamais atteindre vraiment l’Europe, s’apparentait à une épidémie et aurait probablement la même carrière que ses prédécesseurs.  Il fallait observer et analyser pour être en mesure de prendre les bonnes mesures au bon moment.
 
Personne, ni les experts, ni les personnes les plus critiques sur les lenteurs de nos autorités, n’ont vu venir l’explosion soudaine due à un virus silencieux, inconnu, roublard, très contagieux, infligeant des dommages d’une ampleur inattendue, par le fait qu’il s’attaque au système respiratoire, envoyant un nombre exponentiel de patients en réanimation avec intubation et respirateur à la clé. Ce n’était pas prévu. Ni vaccin, ni remèdes ne sont disponibles encore actuellement. Les enjeux sont immenses : comment préserver la population, en particulier les anciens. Comment prendre en charge, sans devoir faire un choix, les patients gravement atteints en réanimation, compte tenu du nombre limités de lits, de respirateurs et aussi de personnel. Evidemment, lorsque la crise touche le monde entier (pandémie), tout le monde se précipite sur les articles tels les masques, les gants, les sur blouses, les moyens de désinfection.
 
Finalement, à la question : étions-nous prêts à affronter une pandémie, je répondrai que l’on est jamais vraiment prêt à affronter une pandémie, ne serait-ce qu’en raison du mécanisme que génère un tel événement, commençant toujours avec une phase de chaos, comme le montre le schéma ci-après :
Schéma 1 – phases dans le déroulement d’une crise

 
Mais on aurait probablement été moins surpris (phase de chaos plus courte) dans le cas d’une épidémie de type influenza.
 
Les mesures prises en Suisse paraissent en adéquation avec la situation et les possibilités pratiques. Ce n’est pas fini. Mais il faut déjà penser à la sortie graduelle du confinement, jamais encore pratiquée. Nous pouvons compter sur le bon sens de nos autorités pour mettre en place des mesures acceptables, mais indispensables. Reste à compter sur la discipline de chacun pour s’en sortir avec le moins de dommages possibles et en évitant qu’une seconde vague ne vienne nous submerger et réduire à néant les efforts consentis. Ce que nous n’éviterons pas c’est la dégradation de la situation économique. C’est un autre chapitre qui méritera une vraie stratégie et des efforts soutenus, solidaires et à long terme de tous.
 
Souhaitons que l’expérience unique vécue avec le CoVID-19 puisse nous servir de leçon. Assurément, les plans seront revus. J’ose supposer que l’après verra se modifier nos comportements. J’espère qu’il en ira de même de notre attitude quant aux efforts de prévention et de préparation face à des catastrophes potentielles toutes aussi redoutables que le Coronavirus.
 
 
Jacques Audergon
Expert en analyse de risques auprès des cantons romands
 
6 avril 2020